Avec Coiffeurs justes, l’étonnante seconde vie des cheveux…
Publié le 31/01/2020
C’est une histoire pleine de bon sens. D’abord parce que la nature est bien faite : pour protéger notre tête, nos cheveux absorbent le gras, l’eau et sont extrêmement solides. Néanmoins, pour qui a la chance d’en avoir encore, les cheveux, ça pousse… Il faut donc les couper régulièrement. « Les cheveux représentent environ 50 % des volumes de déchets des coiffeurs », note Alain Chermeux, à la tête des salons phalempinois Profil Color et Mon Coiffeur exclusif (groupe VOG).
Or les déchets, ces dernières années, n’ont pas bonne presse. L’humanité en produit tout simplement beaucoup trop. Las, ici ou là, des hommes et des femmes décident d’aller plus loin que le constat. C’est le cas de Thierry Gras, un coiffeur du Var qui a décidé de trouver un moyen de recycler les cheveux coupés.
L’Amoco Cadiz
La solution est souvent sous nos yeux. Ou plutôt dans les recettes de grands-mères, elles aussi pleines de bon sens (nos grands-mères et leurs recettes). A la fin des années 1970, les pêcheurs bretons s’étaient déjà tournés vers elles lors du naufrage du pétrolier supertanker Amoco Cadiz, sur les côtes du Finistère : pour absorber les hydrocarbures, ils avaient utilisé des cheveux.
« C’est quelque chose que l’on apprend à l’école, poursuit Alain Chermeux. Le cheveux a une très grande capacité d’absorption. On doit d’ailleurs le prendre en compte pour nos produits ». 1 kg de cheveux peut absorber jusqu’à 8 litres d’hydrocarbures et peut être réutilisé plusieurs fois après lavage.
Voilà de quoi résoudre le problème du coiffeur du Var Thierry Gras, qui a fondé l’association Coiffeurs justes, pour le recyclage des cheveux.
Il s’est entouré de nombreux partenaires pour développer son projet et de nouvelles solutions. Les boudins contenant les cheveux sont par exemple constitués de bas de contention récupérés dans les hôpitaux. Le tout peut être utilisé lors des dégazages sauvages de bateaux au large des côtes, dans les ports, les fonds de cale, l’industrie… La Marine nationale s’est montrée intéressée pour le porte-avions Charles de Gaulle et, plus récemment, les boudins ont été proposés à Rouen, pour dépolluer le site Seveso Lubrizol, touché par un incendie.
Le BTP et plus encore
L’utilisation de nos cheveux coupés ne s’arrête pas là. Même après avoir servi dans des boudins, nos cheveux coupés peuvent par exemple servir à renforcer le béton, devenir des matériaux isolants…
La liste est longue et Thierry Gras, avec Coiffeurs justes, cherche toujours à l’étoffer grâce à de nouveaux partenariats. Une chose est sûre : la ressource
n’est pas prête de s’épuiser.
Pour les coiffeurs, « un engagement »
Selon Alain Chermeux, Coiffeurs juste reçoit jusqu’à « 300 nouveaux abonnements par semaine ». Ses deux salons phalempinois s’y sont mis en novembre 2019. Chaque salon représente un sac à cheveux par mois (les sacs sont composés de bois recyclé).
« C’est un engagement, poursuit Alain Chermeux. On cotise à l’association, on achète les sacs et on les envoie à notre charge ». La clientèle est sensible à la démarche. « Il y a un réel engouement… De notre côté, on remercie les consommateurs de nous confier leurs cheveux pour la bonne cause ! »
Cependant, le milieu de la coiffure évolue. « Nos fournisseurs sortent de plus en plus de gammes dépourvues de produits décriés, commente Alain Chermeux. Beaucoup commencent aussi à entrer dans la démarche de Coiffeurs justes. Ils s’associent aux opérations et nous proposent par exemple de participer en cotisant à l’association à notre place ».
