Le site de l’ancienne abbaye a tenu ses promesses
lors du diagnostic archéologique préventif
Publié le 10 avril 2023.
Mi-mars, les archéologues de l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP) ont quitté le site l’abbaye de Phalempin. Ont alors commencé pour eux plusieurs mois de travail sur les résultats du diagnostic archéologique. Le document, achevant une première phase de recherches, sera ensuite remis aux services de la Préfecture. Une Commission Territoriale de la Recherche Archéologique (CTRA), sans doute dans le courant de l’automne, décidera des suites à donner : soit le promoteur immobilier est autorisé à entreprendre les travaux sans délai, soit l’intérêt scientifique du site motive des fouilles approfondies sur tout ou partie de l’emprise, voire entraine la modification du projet immobilier.
Le portail monumental
En attendant, le site de l’abbaye a pour l’instant bien tenu ses promesses. En témoignent ces blocs de pierre qui, quelques jours avant le départ des archéologues, attendent leur transport pour de plus amples analyses : il s’agit sans doute d’éléments du portail monumental de l’abbaye, dont la plus grande partie est stockée dans les réserves du Palais des Beaux Arts de Lille. « C’est rare d’avoir un si bel état de conservation », commente Estelle Delmont, spécialiste du bâti de l’INRAP Hauts-de-France, regardant tout autour d’elle les vestiges mis au jour par l’équipe.
Il y a bien sûr l’abbaye, voire les abbayes puisque, grâce aux fondations jusqu’alors invisibles car restées sous terre, on peut presque suivre les différents états du monastère le long de ses sept siècles d’existence. Dans sa première phase, les épais murs, témoignant de l’élévation importante de l’église médiévale, sont en calcaire. « Dès que la brique est développée, elle est privilégiée, note Estelle Delmont. Elle existe à l’époque médiévale, on en trouve à Saint-Omer dès le XIIIème siècle, mais ici elle est utilisée plus tardivement, vers le XVIème et le XVIIème siècle. » Grâce à ces explications, même l’œil du profane peut facilement distinguer les extensions plus récentes : par endroits, les briques rouges se greffent dans la continuité des murs blancs antérieurs conservés.
Bien visibles sous les espaces de vie, les caves de l’abbaye servaient sans doute à stocker les produits manufacturés sur place ou les prélèvements d’impôts, par exemple du blé. L’abbaye est un lieu de richesse et de passage, c’est pourquoi un fossé massif délimite la parcelle. Une partie de ce fossé a été mise au jour au bord de la rue de Gaulle. « Grâce à ce qui a été découvert, nous aurons une histoire plus précise de l’abbaye, poursuit Estelle Delmont. En dehors des albums de Croÿ de la fin du XVIème et du début du XVIIème siècle, qui restent une source de représentation assez fidèle, nous n’avions pas trop d’idée de l’édifice ».
« C’est pas Versailles ici ! », mais…
Le cadastre napoléonien, s’il reste un document de travail essentiel, ne prend pour sa part pas en considération les éléments disparus au moment de son élaboration. N’y sont donc pas répertoriées plusieurs surprises qu’ont eues les archéologues. Comme ces fosses pour extraire l’argile destinée à la fabrication de briques et de tuiles pour les bâtiments de l’abbaye moderne. D’où une aire de battage des briques et des fours pour les chauffer. Il n’ont pas servi depuis des siècles, mais ces fours de très grande taille, en briques, ont encore un côté noir et un côté rouge bien visibles. « La partie rouge est à l’intérieur, là où c’était chauffé », remarque Estelle Delmont tout en précisant avec un sourire face à l’étonnement : « C’est de la chimie ! » Des briques encore crues ont même été découvertes.
Près du square Saswalon, la surprise a été encore plus étonnante pour les archéologues. Dans ce que devaient être les jardins de l’abbé, ils ont mis au jour des hobettes, un aménagement ornemental pas forcément attendu à cet endroit. Elles n’en ont bien sûr pas le faste mais « elles sont à rapprocher des folies, ces fabriques de jardin qui se sont développées à la même époque au château de Versailles. Tout le monde n’a pas ça, cela laisse présager d’un certain standing de l’abbaye de Phalempin », remarque Estelle Dumont. Dans les fondations de la clôture de ces jardins, l’archéologue montre des blocs de calcaire sculptés. « Ils sont issus d’éléments détruits de l’abbaye médiévale : les plus beaux blocs pouvaient être réutilisés ailleurs pour d’autres constructions. Grâce aux traces laissées par les outils utilisés pour sculpter, on peut voir que cela date plutôt de l’époque médiévale. » Entre le château et la rue De Gaulle ont aussi été révélées des caves liées à la présence d’une sucrière, déjà connue, sans doute construite puis rasée dans le courant du XIXème siècle. Un sujet passionnant sur lequel ne manqueront pas de revenir la Société historique et le service culture municipal.