Les restaurateurs forcés de rester confiants
Qu’advient-il du virus qui a tant bouleversé nos vies en cette première moitié de 2020 ? Une chose est sûre : à l’heure où nous écrivons ces lignes, les chiffres continuent de baisser et, de l’avis du Conseil scientifique, la circulation du virus est contrôlée. Les inquiétudes de la population, elles, demeurent. On a certes vu des magasins pris d’assaut dès leur réouverture. Mais dans nos restaurants, la reprise est très timide. Trop timide, même.
Publié le 9 juin 2020
Le Cheval blanc
Au Cheval blanc, les époux Riom ne s’en cachent pas : « Quand le temps nous permet d’ouvrir la terrasse, ça va beaucoup mieux. » Ici, Madame œuvre au service, Monsieur à la cuisine. Comme les autres restaurateurs, ils ont vécu le coup du sort. Après plusieurs semaines de soleil alors que la population était invitée à rester chez elle, à peine les terrasses étaient-elles ouvertes que la fraicheur, le vent et la pluie se sont invités.
L’activité reprend donc « tout doucement, confie Nadia. Ça pourrait être mieux mais on travaille, alors on ne va pas se plaindre ». En chiffres, cela se traduit par la moitié de couverts en moins. « Les personnes âgées n’osent pas trop venir et les entreprises ne peuvent plus réserver des tablées de 12. » En raison des distances d’un mètre à respecter, il y a moitié moins de tables à l’intérieur. D’où l’importance de la terrasse qui va prochainement être élargie, même s’il y a des inconvénients. Comme ce dimanche de fête des mères, lors duquel le soleil a remplacé la pluie annoncée. « On avait des réservations pour 25, note Nadia. On a finalement fait 50 couverts ! » Thierry Riom tempère. « Mais s’il se met à pleuvoir, on ne peut plus inviter les clients à se mettre à l’intérieur… »
« Il faut être battant »
Pour le reste, puisque les plats changent en fonction des arrivages, Nadia et Thierry sont habitués à travailler à l’ardoise. Évitant ainsi les manipulations de menus. « Pour les boissons, les clients connaissent en général la carte. » Le service de vente à emporter, mis en place avant la fin du confinement, existe toujours, ne serait-ce que pour les personnes âgées. L’ensemble des gestes barrières est bien respecté.
Cet été, l’auberge ne fermera pas au mois d’août. « Si les Français ne partent pas dans les autres pays et que les Phalempinois restent, il faut que ça vive. » Entre mari et femme, la décision n’a pas été très difficile à prendre. « Il faut être battant », lâche Thierry Riom avec conviction.
L’École
Pas d’amalgame : si les écoles Les Viviers sont un temps restées fermées, l’estaminet l’École, lui, est bien ouvert depuis le mercredi 3 juin. Le cœur y est tout autant qu’au Cheval blanc mais l’organisation, avec 8 salariés, est plus complexe. Ici pourtant, pas de souci pour le nombre de couverts. Les deux salles et la terrasse permettent d’en proposer plus que la moyenne habituelle du restaurant, même en respectant bien les distances.
Catherine Deketelle, propriétaire depuis le mois de novembre, dresse cependant un constat inquiétant. De 60 couverts en semaine avant le confinement, l’établissement peine pour l’instant à dépasser les 14. « On a une bonne capacité mais pas la clientèle », s’inquiète Catherine, qui a pourtant publié sur les réseaux sociaux une vidéo détaillant le protocole sanitaire de l’établissement. Le matin de notre visite, la décision a été prise de remettre 4 salariés au chômage partiel pour tourner à 50% des effectifs. Un nouveau coup dur après plusieurs semaines de fermeture complète.
Mise en place de la vente à emporter
Catherine Deketelle l’avoue sans fard, tout juste quelques mois après sa reprise de l’établissement, elle est stressée et ne dort pas très bien. Elle « s’inquiète pour le personnel qui ne mérite pas ça ». D’autant qu’en août, l’École sera obligé de refermer pour les congés payés des salariés.
D’ici quelques jours, le restaurant va proposer des plats à emporter, ce qu’il n’a pas pu faire pendant le confinement : ils auraient été vendus à perte. On trouvera les mêmes plats qu’à table pour transporter l’estaminet à la maison : carbonade, welsh, poissons, viandes et autres réjouissances. Pour la fête des pères le dimanche 21 juin, l’établissement est ouvert sur réservation.
On a connu l’École plein de vie. On sait qu’on y retrouvera de belles tablées. On peut aussi dire que si vous souhaitez pousser la porte de l’estaminet dans quelques mois, vous pouvez tout aussi bien commencer demain. Après ces quelques semaines difficiles pour tout le monde, on a bien mérité quelques petits restos, non ?
La friterie de la place
Le volet est resté clos un moment. Commerce de vente à emporter, la friterie de la place Coget aurait pu rester ouverte lors de la mise en place du confinement. En cette période pleine d’incertitudes, Vincent Lombarey et Pierre-Yves Michallat, les deux associés à la tête de l’établissement ont préféré fermer. « On s’est dit qu’on pouvait être vecteurs de transmission du virus, explique Vincent Lombarey. Si on l’avait sans le savoir, on pouvait le transmettre à 30/40 personnes par jour. » Pas le moment de prendre des risques. Les deux salariés ont été mis au chômage partiel.
Après quelques semaines de confinement bien respecté, l’activité a repris petit à petit, le 1er mai, les weekends puis de nouveau à plein temps depuis le 11 mai. Des panneaux en plastique transparent séparent désormais la cuisine des clients et patrons et salariés portent un masque. Vincent et Pierre-Yves, freinés par un manque de réseau et l’absence d’une prise téléphonique, tentent de mettre en place un paiement par carte bancaire. « Notre seul frein. Mais à chaque encaissement on se lave les mains. »
Faire respecter les gestes barrières
L’activité a très bien repris. « On est repartis comme avant, poursuit Vincent. Les grandes chaînes de fast food étaient restées fermées, et puis les gens reviennent un peu aux petits commerçants ». L’entrepreneur se désole toutefois de voir de moins en moins de personnes arriver masquées. « C’est comme si on oubliait vite, on a l’impression qu’il ne s’est rien passé. Depuis 8/10 jours, je n’ai vu personne avec un masque. On doit aussi un peu faire la police et demander aux gens d’attendre dehors une fois qu’ils ont pris leur commande. »
La Bella vita
A la Bella vita, Didier Berteloot a rouvert le 1er mai en vente à emporter et en profite pour remercier les clients fidèles qui ont été présents dès la réouverture.
Du confinement, il en dira juste que « c’était une période longue et difficile pour tout le monde, humainement et économiquement, dont il va maintenant falloir se relever ».
Le restaurateur préfère se tourner vers l’avenir et travaille sur de nouvelles pizzas, qui viendront compléter dans les semaines à venir la carte des pizzas actuelles qui resteront des classiques de la Bella Vita.
L’aménagement de la salle a également été revu, dans le respect des mesures barrières. Alors que seule la vente à emporter était disponible depuis la réouverture, les places assises seront de nouveau disponibles en fin de semaine, avec 4 places en moins, « mais ce n’est pas une grande salle et c’est difficile de faire autrement, avec les distances de un mètre entre tablées ».
L’essentiel, pour Didier Berteloot, étant que « la vie puisse reprendre normalement son cours pour tout le monde ».